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Collage-féminicide : La voix de la colère

Eve*, 21 ans est étudiante en Arts Plastiques à Saint-Etienne. La nuit, elle colle des affiches anti-féminicides dans les rues. « Papa il a tué maman » ; « Silence, il me tue ». Autant de collages chocs en hommage aux victimes. Mais pourquoi un tel engagement ?

© Publication Instagram des Colleuses de Saint-Etienne

Dès le début, en septembre 2019, Eve rejoint le mouvement de collage anti-féminicide de Saint-Etienne. Avec un groupe de militante, elles descendent la nuit pour coller des messages dans les rues de la ville. Sa motivation principale : « La colère. C’est triste à dire mais la colère. La colère aussi de constater qu’une femme meurt toutes les 48h, et qu’on ne considère pas cela comme très grave. »

Engagement féministe

Cette jeune femme de 21 ans est une jeune femme ordinaire. Etudiante en Arts Plastiques, un boulot alimentaire en tant que caissière et une volonté de changer le monde. Eve commence par s’engager sur les réseaux sociaux. Elle se fait le relais de contenues féministes. Elle sensibilise ses proches autant qu’elle le peut. Quitte à devenir le profil type de l’étudiante engagée. Lorsqu’elle apprend que des militantes collent des messages anti-féminicide dans les rues de sa ville, aussitôt elle se porte volontaire. 

 « C’était le moyen déjà de me réapproprier la rue, qui est un endroit dans lequel les femmes subissent beaucoup de violence. »

Naissance d’une colleuse

Eve est souriante et pleine d’énergie. Pourtant, une amère déception ne quitte pas la jeune femme. Les choses avancent, mais pas assez rapidement. Coller, pour elle, c’est obliger les politiques à prendre la parole sur le sujet.

 « Notre gouvernement manque cruellement de gens courageux.ses donc de femmes ! »

Coller, c’est être vu. Un paradoxe alors même que ces actions illégales forcent les colleuses à rester dans l’anonymat. La force des collages est là. Ils obligent les personnes à les regarder. Ils les amènent à se renseigner. Eve est motivée. Chaque semaine, elle retourne coller les slogans arrachés. Elle devient un membre actif du groupe. Elle cherche des slogans chocs, aide à peindre, trouve les endroits. Le plus important dans ce mouvement pour Eve, c’est l’union.

Besoin de changer le monde

Sa jeunesse et sa colère sont des moteurs. Eve, loin de se laisser abattre par les mauvaises nouvelles, décide d’agir. Elle s’engage. Marche pour le climat, protection des animaux, droits des femmes… Autant de causes qui lui tiennent à coeur. Le 23 novembre dernier, elle a marché pour les femmes tuées par leur conjoint. À 21 ans, l’étudiante se dit clairement féministe. 

 « J’encourage totalement les actions menées par Femen. Leurs actions sont beaucoup plus politiques en ce sens qu’elles s’exposent plus, là où il faut et quand il faut, au cœur des débats. J’aimerais que ce mouvement s’étende jusqu’à Saint-Étienne !»

Confinement oblige, les collages dans la rue ne sont plus possible aujourd’hui. Pourtant, les cas de violences conjugales explosent depuis le début de la quarantaine. Les militantes anti-féminicide sont motivées pour retourner à leur mission nocturne dès qu’elles en auront la possibilité. Elles continuent leurs collages sur leur propre mur. En attendant, la prévention continue sur les réseaux sociaux.

*Le prénom a été modifé afin de préserver l’anonymat.

© Publication instagram des Colleuses de Saint-Etienne

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Rédactrice sur majmedia. Bucolique et mélodramatique… Cela fait plus de vingt piges que je vadrouille, le stylo en poche. Journaliste le jour, écrivaine la nuit, on se retrouve vite pour de nouvelles aventures !